dimanche 26 décembre 2010

[lecture SF] The Noise Within de Ian Whates

[Pour lire les spoilers, il suffit de surligner pour sélectionner la partie blanche.]

Déçu ! Voilà le premier mot qui me vient à l'esprit après avoir refermé ce livre. Déçu par l'histoire, mais aussi déçu par les recommandations sur la couverture. Pour choisir ce livre, j'ai été accroché par les avis de deux auteurs que j'apprécie. Stephen Baxter, dont j'ai aimé toutes les histoires, voit dans ce livre un croisement entre la série 24 Heures et Starship Troopers. Il rajoute même que si l'on a lu Reynolds, Hamilton et Banks, alors il faut lire ce  livre. Ouah ! ça c'est de la référence, me suis-je dit. Enfin Neal Asher, dont j'ai bien aimé Voyageurs, continue dans la brosse à reluire : les personnages, l'action, un vaisseau IA rebelle et une technologie alien qui fait froid dans le dos. Il l'a lu d'une traite. Re-ouah ! Il faut que je lise ce livre au plus vite...Quelques jours plus tard, c'est la redescente ! Quel foutage de gueule !

D'abord l'histoire : un vaisseau pirate à la technologie étrange, le Noise Within, frappe en différents endroits de l'espace humain. Il enlève certains humains et demande des rançons. Jim Leyton, un spécialiste des opérations secrètes du gouvernement doit infiltrer le vaisseau. Et Philip Kaufman, fils du concepteur des moteurs Kaufman, et travaillant lui-même sur la première interface IA-humain pour piloter des vaisseaux, se retrouve impliqué dans l'histoire. Des assassins sont à ses trousses et la technologie du vaisseau ne lui est pas totalement étrangère.

Pour le reste de l'histoire, tout est cousu de fils blancs. Les ressorts dramatiques sont téléphonés. Vous ne serez jamais surpris par les évènements. Les décors...sont absents ! Pour de la SF, c'est plutôt dommage. Les descriptions sont très courtes et laissent beaucoup dans le flou. L'auteur se repose beaucoup sur les clichés. La scène de course poursuite entre véhicules automatisés est la même que celle de Minority Report. La planète des plaisirs ressemble à une favela sud-américaine, avec son lot de prostituées et de drogues faciles, le tout enrobé de noms hispanisants. On assiste à la plus pathétique des bagarres de bar telle qu'on en a déjà vu ou lu des centaines (le gros balaise prend un coup perdu et le fight commence, les meubles volent et les héros fuient avant l'arrivée de la milice !) La scène dans le bar virtuel est digne d'un jdr de cyberpunk, avec ses avatars ultra-référencés et ses transferts d'infos instantanés. Paradoxalement, la seule scène décrite avec un grand soin de détails se déroule dans une salle de gym/boxe old-school (crasse, sueur, murs miteux, ring fatigué au centre et instruments de gym classiques).
Enfin, [SPOILER : La scène du premier contact extraterrestre est bâclée : le narrateur raconte de manière très distante la rencontre, sa raison et ses conséquences. Un comble alors que c'est le seul élément narratif un peu surprenant.]
Bref, que du déjà-vu ! Pas un brin de "sense of wonder" dans ce récit de SF.

Quant aux personnages, ils ne sont pas en reste dans ce naufrage. Leur psychologie et leur évolution sont minces. Jim Leyton est un "Jack Bauer" du pauvre. Après une scène d'infiltration foirée, punchy et bien écrite, il met au point un stratagème ridicule pour s'introduire sur le vaisseau, digne des idées d'un groupe de joueurs de jdr. Le plan foireux ultime reposant sur un nombre incalculable d'inconnus mais qui réussit pourtant !
Et Philip Kaufman, le "tech mogul" de l'espace humain qui ne rêve que d'une chose : se plonger dans la "matrice"...qui gère l'entretien et la sécurité de son immeuble ! Et tout ça, avec la technologie du moment qui est la plus à la pointe. Cette scène est la copie-carbone d'une passe matricielle de William Gibson, avec ses représentations informatiques, ses attaques, ses défenses et ses traçages informatiques. On est en terrain connu. Ce même personnage à l'intellect très développé tombe dans un piège grossier.
[SPOILER : La plus belle des journalistes qui le pourchassent ne veut pas d'infos sur son boulot, mais plutôt sur sa vie et ses goûts. Elle lui plaît beaucoup et c'est de elle que viendra la tentative d'assassinat finale.]
Son aversion envers les "partiels" (des corps clonés avec la mémoire téléchargée d'un être mort ou vivant) est lourdement mise en avant : son père disparu est maintenant un "partiel"; il utilise un "partiel" pour le remplacer dans les tâches pénibles ; il ne se voit pas en "partiel" à sa mort ;
[SPOILER : et pourtant, oh surprise, c'est en "partiel" qu'il finira après son assassinat.]
Allez, une dernière grosse ficelle pour finir : Kaufman travaillait sur un vaisseau expérimental pour tenter la fusion IA-humain pour le pilotage, vaisseau qui a disparu au milieu des tests. Et bizarrement, la forme du Noise Within est très proche de ce vaisseau disparu sauf qu'il est bardé d'armes inconnues. Je vous laisse imaginer la suite.
Le seul élément surprenant et original est l'explication du titre.
[SPOILER : L'IA du vaisseau expérimental devenue barge, en s'enfuyant, est tombée sur une civilisation alien qui l'a soignée. Mais pour réussir à développer une intelligence "équilibrée", cette évolution ne peut se faire isolément, dans le silence. Il faut un "bruit de fond" auquel se comparer. D'où les enlèvements d'humains pour les mettre à son bord et obtenir ce bruit de fond avec la vie des humains enrôlés.]
Je ne sais pas si cela relève d'une thèse scientifique existante ou d'une création de fiction, mais le principe en est séduisant.

Le styles est très plat, et donne l'impression de regarder un mauvais téléfilm : décors, personnages et intrigues sont mous, sans réelle saveur.
Je vous aurais prévenu !

Inspiration JDR :

Les "partiels" et la question de leur place dans la société est exploitable dans Eclipse Phase avec les "forks" et "pods" de cet univers.
Le bar virtuel et la passe dans le construct de l'immeuble sont des scènes directement transposables dans Shadowrun ou Cyberpunk.
Quant au reste du décor, sensé être spatial, il est difficilement réutilisable, tellement il est basique et presque trop "terrestre".

Ma note : 1/5.

lundi 20 décembre 2010

Le Nyctalope et le M.L.I. (un avis sur L'Encyclopédie de la Brigade Chimérique)



JOURNAL DU NYCTALOPE. 


12 septembre 1934
Aujourd'hui, le Docteur a encore fait l'une de ses entrées fracassantes. Alors que mes hommes se remettaient de notre dernière intervention contre le Signe du Picte, sa boîte bleue est apparue en plein milieu de la Salle d'Observation, créant une pagaille sans nom. Il faudra revoir nos systèmes de sécurité.
Toujours vêtu de ses vêtements étranges, le Docteur a pénétré dans mon bureau pour me tendre un curieux livre.
"Léo, voici une lecture que vous risquez d'apprécier, a-t-il claironné. Il vient d'un autre univers qui connaît le vôtre d'une manière originale !"
Devant mon air interloqué, il a précisé qu'il s'agissait d'un "jeu de rôles". Un mécanisme ludique d’interprétation selon ses dires. Je lui ai pris le livre des mains et devant mon hésitation, il a fini de me convaincre.
"Vous allez aimer car on y parle de vous et de vos exploits ! Je vous laisse car la planète-vampire est sur le point d'enfanter et je me dois d'assister à cet évènement unique."
Je me suis retrouvé dans l'obscurité de mon bureau, l'écho d'un dernier "Allons-y !" du Docteur résonnant à mes oreilles, suivi du bruit lancinant de son véhicule l'emportant je ne sais où.
Quand le calme fut revenu, je me suis plongé dans la lecture de l'ouvrage. Un premier survol rapide m'a appris qu'il me faudrait un peu de temps pour venir à bout du livre et m'a laissé un étrange sentiment de malaise que je ne saurais décrire.

14 septembre 1934
Entre deux moments de libre, j'ai enfin fini la lecture du M.L.I. comme j'ai décidé de le nommer. Et je sais maintenant la raison de ma gêne.
Le livre dispose d'une couverture cartonnée et de 256 pages illustrées. Pour bien apprécier ces illustrations, j'ai dû éclairer mon bureau. Il semble qu'elles soient extraites d'une série de fascicules illustrés, "La Brigade Chimérique", décrivant les aventures des surhommes de notre monde comme s'il s'agissait d'une fiction. Comment les auteurs pourraient-ils connaître nos exploits ? Cela reste à éclaircir.

Le livre s'ouvre sur une introduction présentant les origines du projet, la littérature sur laquelle il s'appuie (nos exploits forment un genre littéraire dans leur monde) et un aperçu de ce qu'est un M.L.I.

Le contenu est ensuite organisé en 3 parties, elles-mêmes subdivisées en chapitres. La première partie présente notre monde, avec l'histoire (qui dépasse notre année actuelle - très intéressant pour moi), la géopolitique, la superscience et les cités européennes. Les marges proposent des informations supplémentaires, de l'ordre du détail sur la vie quotidienne, ainsi que des encadrés pour présenter les valeurs chiffrées pour le M.L.I. de mes camarades et ennemis surhommes (il y a là peut-être matière à exploiter contre nos ennemis si ces valeurs sont fidèles). J'ai découvert avec stupéfaction que mon organisation et moi-même faisions l'objet de plusieurs paragraphes ! (Il ne faut pas que cela tombe entre de mauvaises mains)

La deuxième partie présente le M.L.I. Elle détaille comment créer un personnage à interpréter ; présente une liste détaillée et organisée des capacités surhumaines (là encore, je pourrai exploiter ces données) ; et propose un mécanisme pour gérer les actions et affrontements que les alter ego vivraient. Ce système semble très simple à prendre en main avec l'utilisation de simples dés et l'addition de bonus/malus pour comparer le résultat à une difficulté chiffrée. Cette partie se conclue sur l'exposition des éléments et codes qui font de notre univers un genre littéraire dans le leur. Le malaise que je ressens depuis le début de ma lecture s'est encore accentué.

Enfin la dernière partie propose une "campagne" de 3 aventures à jouer. Je ne sais pas quoi en penser car les évènements décrits sont inquiétants pour notre sécurité nationale. Je croyais le problème martien résolu !
L'ouvrage s'achève sur des annexes présentant des personnages clé en main, prêt à être interpréter avec le M.L.I. ; une bibliographie des oeuvres ayant inspiré ce projet ; un index ; et une feuille de personnage.

Quand j'ai refermé le livre, la forte odeur de l'encre utilisée flottait encore dans mon bureau enténébré.
Ce livre peut s'avérer un puissant outil dans ma lutte actuelle, mais j'ai du mal à lui faire totalement confiance. Et c'est en le feuilletant à nouveau, cherchant à me forger une opinion définitive, que j'ai enfin compris pourquoi l'ouvrage me mettait mal à l'aise. Ecrit en noir sur sépia, sur la page de garde, j'ai lu avec effroi : "Imprimé en Allemagne"! Il ne peut s'agir que d'une tentative de déstabilisation du docteur Mabuse. Mon esprit, inconsciemment, a dû relever ce détail typographique lors de mon premier feuilletage et a ainsi formé la graine de la suspicion qui a germé ensuite. Mais comment M a-t-il pu agir à travers le voile des réalités ? Il faut que j'étudie plus en profondeur cet objet.
Et si l'encre utilisée, à la forte fragrance, était un moyen pour Mabuse d'affaiblir les esprits des lecteurs et lui permettre une tentative de prise de contrôle à distance ?
Les plus grandes précautions seront prises dorénavant pour son étude.

16 septembre 1934
Le Docteur est revenu mais rien n'y a fait : je ne lui ai pas rendu le livre ! Il a eu beau arguer de je ne sais quel risque pour le continuum spatio-temporel, je n'ai pas cédé. Cet ouvrage est soit trop précieux, soit trop dangereux pour se retrouver entre n'importe quelles mains, encore moins celles de ce dandy britannique aux incessants voyages. Je suis plus rassuré de le savoir enfermé dans la prison-labyrinthe. J'ai reconduit le Docteur un peu sèchement puis suis retourné à la nouvelle affaire qui occupe mon esprit : mes hommes ont repéré une résurgence des hommes du Carré...

(NdA : J'espère qu'à travers ce texte en forme d'hommage vous aurez compris que j'aime beaucoup ce jdr. Après sa lecture, il a instantanément rejoint mon top 5 des jdr favoris. L'univers, le système de jeu et la présentation sont tous au diapason pour donner un excellent jeu, complet et profond, simple et original. Il ne reste plus qu'à trouver le temps et les joueurs pour jouer !)

jeudi 16 décembre 2010

[lecture SF] Voyageurs de Neal Asher

Alors, c'est l'histoire de deux civilisations venues de notre futur - TCHAK-POUM-POUM - les Umbrathants et les Héliothants qui se livrent à une guerre à travers le temps - BOUM-PAN-PAN - et qui embarquent dans cette lutte les deux héros : Polly, une prostituée, et Tack, un Jack Bauer élevé en cuve destiné aux sales boulots du XXIIème siècle - RATATATA-PAN-BOUM-TCHAK. Tout ce beau monde pourchasse/est manipulé par/fait équipe avec (ça dépend des moments) Cowl, un être ultime créé dans le futur mais qui a mal tourné et est devenu monstrueux - GRAOUH-RRHHAAGG-CRUNCH-BROUM. Mais le bestiau, bien intelligent, a un plan à base de retour vers le passé avant l'apparition de la vie et de destruction en masse. Bref, c'est plein de bruits et de fureur !

Ajoutez de nombreux gunfights, des explosions, des dinosaures, des soldats d'autres époques historiques, quelques rebondissements ("Mais alors, tu nous as trahi !", et plus loin : "Tu es en fait un agent double ?") et deux moyens de voyager dans le temps originaux (les mantisals et les tors). Un soupçon de post-humanité, avec la "programmation comportementale" de Tack et les éléments de la vie quotidienne des civilisations du futur. Secouez le tout et vous obtenez un cocktail détonant.

Ce livre se laisse lire comme on regarde un film d'action américain réussi : c'est du grand spectacle qui ne s’embarrasse pas trop des détails. L'explication du voyage dans le temps et des effets associés n'est pas très hard science, mais permet des scènes intéressantes. L'intrigue est simple à suivre et émaillée de nombreuses scènes d'action, bien écrites.

Inspiration JDR :

La lutte entre les 2 factions fait penser au conflit Continuum/Narcissistes du jdr C°ntinuum de chez Aetherco. Notamment avec le dosage très précis des ripostes à travers le temps pour éviter tout déraillement (qui a parlé de paradoxes ?).
Une partie de la trame est facilement réutilisable dans une aventure pour Doctor Who RPG, avec ses rencontres historiques, ses créatures bizarres (la bête-tor, bien effrayante) et les poursuites par des dinosaures.

Ma note : 3/5.